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RIVAGES LOINTAINS


RIVAGES LOINTAINS

 I

Un des amis du Prost, Je, a l’angoisse du dimanche soir, enfin l’avait, il a fait partie des charrettes de salariés remerciés avant l’âge normal, celui où l’ancienneté apporte des suppléments aux salaires sans que les rapidités dans des opérations obsolètes compensent les hésitations devant des techniques nouvelles. L’âge normal est devenu sans doute de ce fait une notion délicate, subtile, relative. Il n’a plus reparlé, depuis son départ, de ses maux de têtes du dimanche soir.

Le Prost, Je, s’est rendu compte que la sienne survenait le matin, d’abord un petit marnage, une eau sombre qui montait lentement, un infime clapotis. J’ai alors établi un petit rempart, sur la plage, creusé une rigole, l’eau s’est écoulée, disparaissant, s’enfouissant, glissant entre les grains des minutes de mon matin. Mes pieds s’enfonçaient, tout doucement.

 

RIVAGES LOINTAINS II

 

Le lendemain, elle était noire, elle surgissait plus vite, elle se retournait sur elle même, en un rouleau, avec juste un peu d’écume et de bruit. Elle vint, m’a léché le corps jusqu’au genou, j’ai senti sa fraîcheur moite, il n’était plus question de rigole, de digue de sable, elle est restée, m’agrippant, creusant sous mes pieds. Je regardai l’horizon. Elle se retira, moins vite. Le sable reprit sa teinte normale, entre un jaune beige sale et le gris dû à sa mouillure.

Le troisième jour, il était très tôt, je me suis dirigé sans le décider vers l’endroit de la rencontre avec l’eau. Le soleil pointait à peine, l’air était gluant, lourd, froid. L’onde vint, du loin je l’entendis, bruissant comme les milliers de buissons accrochés aux pentes de la Sainte quand léchés par le vent d’est, ils supplient l’infini. Je me suis avancé, limaille dérisoire glissant sur le papier de l‘expérience, l‘aimant me donnant vie.

L’eau montait, des sombres créatures étaient là bas, c’était sûr, battant la surface, elles engendraient un mouvement rythmé sur les halètements de mon coeur.

 

RIVAGES LOINTAIN III

 

Elle atteint mes cuisses, glissant vers mon bas ventre, s’arrêta. Un étau m’enserrait, sans réaction je sentais cette montée obscure, irrésistible, elle m’immobilisait, mes pieds comme les matins précédents s’enfonçaient dans le sable, l’eau creusait autour de mes os, de ma chair un trou mou qui d’un mouvement de succion m’attirait doucement.

Le soleil en un instant parvint à ses fins matutinales, darda un rai, il s’infiltra entre les nuages comme le pinceau d’un peintre, barbouilla de lumière crue l’eau, vint jusqu’au rivage, agrandit sa tâche, elle absorba le glauque du moment, l’eau comprit qu’il était temps, desserra son étreinte, opéra une volte face, s’en alla. Le quatrième jour, je me précipitais sur la plage, l’eau était là. Une sorte de tunnel au raz du sable était apparu, construit de rochers rugueux, noirâtres, criblés d’alvéoles, éructé par une quelconque lave. Il était pavé, la voûte en était basse, il ressemblait à une énorme trompe d’éléphant, sortant de l’onde, m’attendant, le monstre restant dissimulé sous la surface sombre. J’ai regardé son entrée,

elle était vaguement éclairée par l’éclat du soleil, qui se matin brillait de toute sa volonté destructrice d’obscurité, mais après un pas ou deux à l’intérieur, si j’entrais l’obscurité serait ensuite complète.

 

RIVAGES LOINTAINS IV

 

J’avançais vers ce passage, devant lui, je me suis arrêté. L’eau est apparue, sombre avec des reflets roses, elle était dégurgitée par le monstre d’en bas de là bas. Comme une liane elle vint s’enrouler autour de mes membres, j’étais saisi, elle montait toujours, elle vint lécher mon ventre, je sentis une coupure à l‘aine , sans aucune douleur. Mon sang commença à couler dans l’eau, un mince filet rouge. Il se mêla aux reflets roses, heureux il dansa. Je regardai ma vie s’écouler, folâtrer, se diluer ainsi. Saisi dans un temps suspendu à mon néant, j’ai ressenti la doucleur de ce moment sans sens. L’esprit vide j’attendais, mais l’eau n’a pas voulu de moi, elle repartit au galop, le tunnel disparut, ma aine cicatrisa dans l‘instant. Le cinquième jour je revins sur le sable, je marchais à reculons. L’eau n’était pas là, le soleil haut. Je ne perçus rien, j’ai cru m’être trompé de lieu, il fallait que je sache, les yeux mouillés par mes pleurs, mes hoquets, mon désespoir, lentement mon corps qui ne m’obéissait plus m’échappa, il tourna, retourna, tel un derviche, face à la mer absente: l’eau n’était pas là.

RIVAGES LOINTAINS V

 

Elle ne vint pas Son absence me terrifia, elle était ma compagne, elle avait pris mon sang, avait rampé jusqu’à mon ventre, m’avait immobilisé sans défense, sa froideur me faisait vivre d’un matin à l’autre dans le rituel de l’attente, le tunnel où j’allais entrer pour connaître le prix de l’importance des choses, rien de tout ceci n’existait en ce début de journée, un vertige m’a pris, j’ai pleuré devant le désert de sable.

Horizon sans limite, vierge de vie, vie morte, morte mon espérance, espérance d’eau, eau bue, bue ma honte, honte de dépendre, dépendre mon âme, âme à toi, toit qui abrite, abri pour le cabri, brisé pour sauter, sot que je suis, suie noire, noire armure, amure, brise pour mes voiles, voiles de la danseuse, Salambo et Salomé, femmes si belles, où êtes-vous? debout dans le désert, je marche.

Le sixième matin, mes pieds étaient en sang, j’errai dans le sable sous le soleil. Il brûlait ma peau, sans eau depuis la veille, mes yeux commençaient à voir des vapeurs, des nuages, des arbres à l’horizon, toujours très loin.

RIVAGES LOINTAINS VI

 

 

Une montée rude, j’ai terminé à quatre pattes ....J’ai vu l’oasis.

Elle avait tout pour combler mes angoisses, une douce palmeraie était là. Deux collines courbes, allongées, fuselées formaient un sillon, un mont fermait la vallée. Là bas, tout au fond, une tache sombre. Des arbres créaient l’illusion, complétaient cette vision si chaude et douce.

Mon esprit distinguait des fruits pendant entre les hautes palmes, un cours d’eau devait serpenter entre une noria et des jardins., c’était une certitude. Mes yeux se brouillaient de larmes de joie, rudes, salées, j’hoquetais mais de bonheur. La pente s’inversait, je trébuchais dans la descente, je me suis roulé dans le sable humide à l’ombre des arbres. Plus rien n’existait, l’instant de bonheur inondait mon être entier.

Le septième matin, je me suis dirigé vers la source de mon bonheur d’hier, le puit originel.

RIVAGES LOINTAINS VII

 

L’eau était là, tout là bas, au fond, claire et noire.

Je me suis penché, pour voir un reflet. Mon âme était là, proche, si lointaine aussi, séparée de moi par la longueur de la corde, celle qui sert à dispenser la vie, le liquide si précieux sans lequel rien n’existe. J’ai voulu hisser mon âme du tréfonds, l’amener à la surface, la voir au grand jour, mais quand le seau de mon désespoir vint à la hauteur de la margelle, elle n’y était pas, l’eau était rouge.

J’ai voulu savoir où elle était restée, dans quel recoin elle subsistait, loin de moi et du soleil. Je suis descendu le long de la corde, lentement d’abord, puis plus vite, mes pieds arrivèrent dans l’eau, la corde retomba à côté de moi. J’ai vu le ciel tout au loin en haut, un petit rond de lumière, il me regardait.

Mon âme, où es-tu? Je flotte sur l’eau, je suis l’eau, elle me pénètre, je coule, ma question surnage, me domine, reste après moi, c’est le reste de moi, qui monte en spirale vers le ciel, se hissant dans ce tunnel quand je m’enfonce dans le glauque de ma nuit.

Ecrit par candide, le Mardi 18 Novembre 2003, 22:14 dans la rubrique "Premiers Pas".
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